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Vingt-troisième jour de confinement, nous avons appris par téléphone satellite que le Krakatoa s’était rallumé ! Gaïa essaierait-elle d’envoyer un signe à quelques irréductibles ! Est-ce que conjecturer une sorte de présage en regardant un phénomène naturel est si irrationnel ? Tenez, prenez exemple de ces fous, hier soir qui nous ont survolés pendant plus de deux heures, faut-il seule-ment y voir des oiseaux curieux ou peut-on raisonnablement y voir un signe avant-coureur de mauvais temps ? Après une nuit de recul, je vous le dis les amis, méfiez-vous des piafs trop familiers, ils sont de mauvais augures !
Nous ne pouvons imputer aux dieux ce coup de Trafalgar car finalement, affables, ils nous ont envoyé par vol leurs auspices ! Mais que c’est dur ! Vous savez, nous en avons entendu des « Oh l’océan Indien, les doigts dans le nez !» ou des « moi, je domine les éléments !» … Que bien soit fait à ces arrogants pleins d’orgueil et de vanité car je ne suis pas méchante, mais sachez-le, nous sommes tous autant que nous sommes que de minuscules particules qui peuvent à tout moment parce que mère nature la décidé, disparaitre ! Nous ne sommes au-dessus de rien, n’avons aucun droit sur la nature, c’est elle qui détient le dogme de nos vies. Cette vérité, elle nous saute aux yeux quant au milieu de nulle part, il faut se soumettre, il faut subir ! Je me sens encombrée d’un sentiment difficile à exprimer. Je ne cherche pas à me plaindre, loin de là car la situation dans laquelle nous sommes, nous l’avons choisi. Nous ne sommes pas malades, ni meurtris par la vie ou privés d’Amour, nous sommes seulement submergés par nos émotions…
Notre pauvre Blacky, si pacifiste, endure… griffe après griffe, il gravit chaque saccadées, il franchit chaque vague, il entrave chaque déferlante. Pour nous, il se fait passer à tabac ! Et ça tape, et ça tape encore, pourtant il n’est pas du genre à se laisser faire mais là, l’adversaire est de taille. Il a de l’entrainement, des années de pratique, des millénaires d’expérience…
Tout est amplifiées, une émotion sourde étreint ma gorge ! Sur notre lit de quart, Cyril vient de se servir de mon pied pour supporter sa tablette, la futilité qui de toute évidence n’a aucune con-séquence, met ma sensibilité à fleur de peau et dans un sanglot rieur involontaire, les yeux pleins de larmes, je craque ! Mon pauvre Amour ! Lui qui fait tout pour être rassurant, prévenant, attentionné, ne sais quoi penser ! Moi non plus d’ailleurs, je n’ai rien sentie venir, et là, je sens tout mon être envahie d’un déferlement d’émois. J’ai l’impression d’évacuer un trop plein, d’avoir toute ma sérénité ébranlée par les commotions de la nuit. En quelques secondes mon insoupçonnable accumulation se libère, nous vivons l’Indien. Il est si intense, si excessif, si puissant, si impétueux. Il met nos nerfs à rudes épreuves et il le sait !
Black Lion mérite toute notre reconnaissance, il supporte sans le moindre grincement. Entre deux vagues, il s’efforce de garder un équilibre et bien souvent, se retrouve à faire le grand écart aux sommets de deux crêtes, une patte à l’arrière, une patte à l’avant ! Dans le bouillon de la noirceur, il s’évertuait à rester à bonne dis-tance des éclairs, ceux qui dans nos pensées les plus profondes, nous font craindre le pire ! Que ferions-nous si une de ces sou-daines foudres nous tombait dessus, mieux vaut ne pas y songer !
Les derniers GRIB sont clairs, le vent va encore forcir pour atteindre les 35 nœuds. Nous ne sommes plus qu’à 80 milles de Farquhar, 9º55'439 S, 52º29'003 E et deux solutions se présente à nous… Soit, nous tentons une entrée dans le lagon de cet atoll des Seychelles, ce qui implique d’attendre à l’extérieur de nuit, de risquer d’entrée avec un moteur boiteux, de ne pas être accepter avec les restrictions du Corona et de devoir repartir avec encore plus de vent. Soit, nous continuons jusqu’à Mayotte avec le vent pour nous et pouvons enfin prévoir une arrivée en terre Française dans moins de 5 jours. La deuxième issue nous semble la plus raisonnable !
Décidés, nous poursuivons… Le réconfort de mon capitaine apaise mon vague à l’âme …