L'ENGAGISME À L'ILE DE LA RÉUNION - de l'esclavage à la servitude contractuelle

L'ENGAGISME À L'ILE DE LA RÉUNION
de l'esclavage à la servitude des Indiens sous contrat d'engagement de travail
L'ENGAGISME À L'ILE DE LA RÉUNION
de l'esclavage à la servitude des Indiens sous contrat d'engagement de travail
Avril 2020 - 32' 56''
Dans l'émission Frontline diffusée le 24 janvier 2020 sur Radio FPP, Manu et Akye reçoivent Joy Banerjee, réalisateur du nouveau documentaire La Colère d'Abady (35 min - 2020), Saïd Bouamama, sociologue et militant du FUIQP, et Mogniss H. Abdallah de l'agence IM'média, pour parler de l'engagisme, un phénomène historique peu connu qui a consisté à recourir à de nouvelles formes de "servitude contractuelle", en particulier après l'abolition de l'esclavage en 1848, notamment à l'île de la Réunion mais aussi dans d'autres colonies françaises, dont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, britanniques etc.
Des extraits du documentaire permettent tout d'abord une rapide définition de l'engagisme par l'historien Frédéric Régent, puis de découvrir Abady Egata-Patché, entrepreneur réunionnais, descendant d'engagés indiens, qui raconte la maltraitance au travail vécue par ses ancêtres et sa propre "souffrance". Il se dit en colère contre l'engagisme, un système de discrimination sociale et culturelle, contre la "duperie" de l'administration coloniale, et a même initié en 2014 une plainte contre l'Etat français pour « crime contre l'humanité ». Son fils Nicolas, devenu directeur du groupe Egata, dit lui aussi porter ce combat pour que l'engagisme soit davantage connu, intégré dans les livres d'histoire et enseigné à l'école.
L'engagisme peut-il être considéré comme une forme d'esclavagisme ? Joy Banerjee a constaté sur place que cette question fait l'objet d'un "débat très vif à l'intérieur de la communauté malbar." Pour l'historienne Michèle Marimoutou-Oberlé, "il y a toutes sortes de voix qui montent pour aller dans un sens ou dans l’autre, et c’est compliqué, surtout quand ce n’est pas l’histoire qui est en jeu, quand c’est la mémoire. La question de « nos ancêtres ont beaucoup souffert, mon ancêtre a été maltraité etc. », c’est la mémoire personnelle".
Saïd Bouamama, lui, invite à ne pas tomber dans le piège d'une concurrence mémorielle entre descendants d'esclaves et d'engagés. Il ne s'agit pas de nier l'aspect contractuel, mais d'être conscient de l'impossibilité de faire respecter ce contrat pour des gens traités comme s'ils n’en avaient pas. "Il faut d'abord bien resituer l'engagisme comme une forme de domination qui avait vraiment la vocation de maintenir la surexploitation liée à l'esclavage, sans esclavage formel. Les propriétaires des plantations vont préférer engager des travailleurs réputés plus dociles, tels les Indiens. Ils auraient été au XIXème siècle plus de 118 000 à être recrutés à la Réunion.
Ces engagés indiens, qui se révolteront à maintes reprises, seront aussi porteurs de revendications culturelles et identitaires, aujourd'hui accrues, comme le souligne Joy Banerjee, images à l'appui. Des voyages sont mêmes organisés pour renouer avec l'Inde. Pour sa part, Saïd Bouamama rappelle que "l'engagisme, comme l'esclavagisme d'ailleurs, a signifié une dépersonnalisation des individus. Les conditions de vie, de travail, l'impossibilité de rentrer conduisaient les personnes à avoir l'impression d'être coupées, déracinées complètement, et donc avec l'impression que tout leur héritage était remis en cause. Une des manières de réhabilitation pour les descendants, c'est de tenir à tout prix le lien avec le passé. Ce qui est important avec l'engagisme, c'est de montrer la chaîne de continuité de l'esclavage à l'engagisme puis au code de l'indigénat. Autrement dit, on n’a pas eu un moment dans lequel d'un seul coup les États coloniaux et l'État français en particulier auraient pris conscience, auraient aboli l'esclavage, et on serait passé à l'égalité ... non. On a une chaîne, où effectivement on voit une diminution de l'ampleur de la domination, mais qui est liée aux contraintes du colonisateur, et non pas à une émancipation qui serait effective. Montrer cela, ça nous permet aussi de poser les formes contemporaines que peut prendre cette forme de dépendance et de domination."
- Pour réécouter l'émission radio en intégralité, et pour des informations complémentaires sur Abady Egata-Patché, l'engagisme et le travail forcé (illustrations, repères bibliographiques etc) :
www.bboykonsian.com/Emission-...
- cf. aussi Saïd Bouamama : "L'engagisme, ou comment maintenir la surexploitation liée à l'esclavage, sans esclavage formel" (retranscription de son itw à Frontline - Radio FPP 24_1_2020, texte disponible sur son blog :
bouamamas.wordpress.com/…/len... )
- Pour le documentaire La Colère d'Abady, contacter le réal/producteur : [e-mail]

[@lovethyself744]

Bref, échange intéressant comme d'habitude

[@lovethyself744]

L'engagisme n'est pas au même niveau que l'esclavagisme dès lors que les Indiens ont fortement contribué à la traite négrière par le biais de l'océan indien. Pourquoi vouloir ré-écrire l'histoire?