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Éric Danon, diplomate français spécialiste des questions de sécurité internationale et de prospective stratégique présente une vaste réflexion sur la dissuasion nucléaire, un sujet d’actualité. Il est actuellement Directeur Général adjoint pour les affaires politiques et de sécurité au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (France).
Résumé par Estelle Ménard pour Diploweb.com:
Tandis qu’on observe un vaste mouvement anti-nucléaire, incarné notamment par le prix Nobel de la paix et le Vatican, la dissuasion nucléaire reste au cœur des questions géopolitiques. Neuf pays disposent aujourd’hui d’un arsenal nucléaire (États-Unis, Russie, Chine, Angleterre, France, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord), entretenant une relation d’asymétrie avec tous ceux qui y ont renoncé en signant le Traité de non-prolifération (TNP).
À l’occasion de cette conférence organisée par le Diploweb et GEM sur son campus parisien, Eric Danon partage ses connaissances et réflexions, de façon très accessible.
Les détracteurs de la dissuasion nucléaire remettent en cause son utilité, le système international qu’il entretient et soulignent enfin le danger qu’il représente pour l’humanité. L’évolution des normes du droit humanitaire s’accompagne de préoccupations toujours plus grandes pour la santé et l’environnement. Par ailleurs, s’il n’y a pas eu d’affrontements directs durant la Guerre froide, la dissuasion nucléaire n’a pas empêché les guerres « proxy ». Elle est aussi inutile car beaucoup trop puissante pour être utilisée aujourd’hui, et contreproductive car, en l’utilisant, un pays s’exposerait à sa propre destruction. Enfin, elle correspond à un ordre mondial qui n’est plus souhaitable : si tous les pays doivent avoir le même poids décisionnel, il n’est pas normal que la stabilité mondiale repose sur la rationalité supposée de seulement neuf individus. Inversement, il n’est pas rassurant de savoir que le déclenchement de la bombe par une puissance nucléaire relève de la décision d’un seul homme, qui plus est si l’on doute de sa rationalité. Les opposants affirment qu’il ne faut pas se leurrer quant au désarmement : les pays nucléaires n’y ont pas intérêt.
Les défenseurs de la dissuasion nucléaire rétorquent que celle-ci est centrale à la géostratégie. D’abord, elle remplace aujourd’hui le souvenir de la guerre comme garant du maintien de la stabilité dans le monde occidental. Par ailleurs, la tension nucléaire s’est limitée à quatre problèmes géopolitiques - la Guerre froide ; l’Inde et le Pakistan ; le Moyen-Orient et la Corée - et cette tension ne peut diminuer que si le problème géopolitique est d’abord résolu. Il suffit de regarder l’impact de la réunification de l’Allemagne (1990) sur la réduction de l’arsenal de la Russie et des États-Unis. Par ailleurs, le nucléaire à un effet de stabilisation et de réduction des inégalités : si un pays possède la bombe, il n’a pas besoin d’un arsenal conventionnel trop important. Enfin, le risque de détournement terroriste est extrêmement faible, bien que la récupération de matières fissiles par des entités criminelles, dans le but de créer une bombe dite « sale », reste une menace à ne pas écarter.
Qu’en est-il de l’avenir de la dissuasion nucléaire ? Les alliances, leur stabilité et leur longévité sont incertaines. Les questions de l’Iran et de la Corée du Nord vont servir de cas d’école pour la lutte contre la prolifération nucléaire, tandis que la profondeur stratégique se perd avec l’allongement des missiles, la discrétion des sous-marins, les drones et le développement du risque cyber. Capable de paralyser un pays et ses infrastructures vitales, l’intelligence artificielle sera d’ailleurs peut-être une forme de dissuasion plus efficace. Pour empêcher que des événements comme ceux d’Hiroshima et de Nagasaki se reproduisent, les anti-nucléaire appuient qu’il faut se débarrasser de la bombe ; les pro-nucléaires, que celle-ci est indispensable. Pour E. Danon, il s’agit surtout de trouver un régime de sécurité collective aussi fort car, tel qu’il le résume, « l’équilibre de la dissuasion nucléaire est à la sécurité ce que la démocratie est à la politique : c’est le pire système à l’exception de tous les autres que l’on a essayé avant ».
Propos recueillis par Pierre Verluise, Selma Mihoubi et Fabien Herbert. Image et son Fabien Herbert et Selma Mihoubi. Montage Fabien Herbert.
Bonus : découvrir l'entretien accordé par Eric Danon au Diploweb à l'occasion de cette conférence • E. DANON La dissuasion...
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