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le-semaphore.bl.... Jean-Louis Murat - Live in Dolorès / Murat en plein air [1998]. Photographie : Thibault Marconnet. « Rien n’est important, j’écris des chansons / Comme on purgerait des vipères... » En 1998, à la lisière du XXIe siècle, Jean-Louis Murat n'en finit pas d'étonner. Après le très beau “Dolorès”, où sa voix courait sur une peau féminine, voici qu'il pénètre à même la chair dans l'intimité de cette énigmatique muse pour mieux nous dévoiler la vie qui palpite en son sein.
Fleur de nuit sans doute que cette femme, dont la vie est “à fleur de peau”.
“Une vie de terre et d'eau” semble s'écouler en elle tant la nature est présente au cœur de cette œuvre : les oiseaux y chantent dans leur beau ramage inconnu un cantique d’ivresse ; le murmure des ruisseaux n'est pas loin et Murat bat la campagne comme un pèlerin qui voudrait, au milieu des herbes, retrouver “l'Origine du monde” telle que Courbet nous la fit voir en son temps. Le barde auvergnat n’a sans doute jamais été aussi loin, aussi haut, aussi profond. “Fort Alamo” est reprise dans une version enragée qui m’a bien souvent accompagné quand le monde autour de moi ne m’apparaissait plus que comme une parodie, un tiède et vain simulacre. « Tes gestes d’orfèvre / Ta vie de femelle / Je te jure / Que je m’en fous / Le plaisir vorace / Dans l’impasse / Et alors ? […] / Je m’en fous... »
L'année 1991 fut également fertile pour Jean-Louis Murat et la moisson fut bonne.
Avant de se recouvrir d'un “manteau de pluie”, le bluesman arverne aux yeux d'azur, avait décidé, avec Murat en plein air, de prendre l'air du temps en interrogeant son climat intérieur.
En ressort un chant de la terre, où cloches et beuglements de vaches avoisinent des liturgies d'oiseaux et les trilles bondissants de l'eau des torrents.
Murat en plein air est une sorte d'éclat de météorite encore fumant et c'est cette pierre des étoiles que le fils des puys nous confie pour mémoire.
“Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur”, eut pu dire Mallarmé en son langage.
“Live in Dolorès / Murat en plein air” est pour moi une sorte de mantra, un chant de survie au cœur d’un monde malade et dont le seul médecin efficace me semble être l’imaginaire. Chaque fois que j’écoute ce double album hors du temps, j’ai envie de prononcer les mots de l’écrivain lyonnais Serge Rivron, issus de son prodigieux livre “La Chair” : « Je ne me suis pas suicidé parce que j’emmerde le réel. »
© Thibault Marconnet
le 05 juin 2013