Mi carême. Le serpent de bronze.

Le serpent de bronze, cela vous dit quelque chose ? Dans l’histoire du peuple d’Israël, tout avait commencé, il y avait si longtemps, dans le désert. C’était avec Abraham, le nomade, qui vivait sous une tente de bédouin et, dans la nuit des temps, le vieil homme comptait les étoiles dans le ciel immense du désert. Et en comptant, il sentait son cœur se dilater. « Tu seras l’ancêtre d’un peuple nombreux », lui avait dit la voix du Dieu unique qui murmurait dans le vent des grades étendues. Plus tard, bien plus tard, Moïse permit à son peuple de retrouver, dans de même désert, ses racines jeunes et nomades. Israël ne devait jamais oublier qu’il avait été un peuple en marche épris de liberté. Il devait se souvenir qu’il ne devait pas s’installer dans les richesses qui font construire de hauts murs avec des fils électrifiées et des caméras de vidéosurveillance. Le nomade ne se préoccupe que de l’essentiel : des sources et des pâturages. Il ne peut pas emporte grand-chose. Antoine de Saint-Exupéry faisait ainsi parler son Petit Prince « J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable, on ne voit rien, on s’entend rien, et cependant quelque chose rayonne en silence ». Oui, quelque chose rayonne en silence… Et puis, rajoutait le même écrivain, « ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part » Mais dans le désert, s’étaient aussi invités, depuis la nuit des temps, des hôtes bien inquiétants. Les hébreux furent assaillis par une multitude de serpents venimeux. Alors, quand il arrive quelque chose de malheureux, on se pose rapidement la question du pourquoi. Aussi, le peuple, dans le désert avait une fois de plus « récriminé », « murmuré », comme dit souvent le livre de l'Exode. Et il se plaignait de Dieu aussi. Alors, pour Israël, les serpents, c’était forcément une punition
Ils se sont donc mis à supplier Moïse de prier Dieu pour eux : Intercède auprès du Seigneur pour qu'il éloigne de nous les serpents ! Moïse a prié Dieu et ensuite reçu de très étranges directives. « Fais faire un serpent brûlant (c'est-à-dire venimeux) et fixe-le à un mat : quiconque aura été mordu et le regardera, lèvera les yeux vers lui, aura la vie sauve ». Et le texte ajoute, cela a très bien marché.
Voilà, n’est-ce pas, l’ancêtre du caducée, bien pratique sur les pare-brises des membres du corps médical. Mais, tout de même, cette espèce d’idole païenne, ce serpent que l’on doit regarder, n’est-ce pas une sorte de sorcellerie ou encore du fétichisme, non ? En fait, c'est juste le contraire qui va se passer. Moïse va transformer ce qui était jusqu'ici un acte magique en acte de foi. L’idée du serpent de bronze dressé sur un mat qui peut sauver, c’était une croyance égyptienne qui existait bien avant Moïse. On adorait depuis la nuit des temps un dieu guérisseur représenté par un serpent de bronze enroulé autour d'une perche et on pensait que cela guérissait des morsures venimeuses. Moïse n’a pas voulu brusquer son peuple, il n’est pas parti en guerre contre leurs coutumes ; il leur a dit : « Faites bien tout comme vous avez l'habitude de faire, mais ne vous trompez pas de dieu, il n'existe qu'un seul Dieu, celui qui vous a libérés d’Égypte. Faites-vous un serpent, et regardez-le : mais sachez que celui qui vous guérit, c'est le Seigneur, ce n'est pas le serpent.
Le cardinal Carlo Maria Martini, ancien archevêque de Milan, a été présenté en son temps comme l’un des successeurs possibles de Jean-Paul II. Son rayonnement fut immense. Dans une conférence, il a raconté l’histoire de trois adolescents assez rebelles qui avaient décidé de se moquer d’un vieux prêtre dans la cathédrale. Sous prétexte de se confesser, ils allèrent tour à tour lui raconter une litanie de choses les plus horribles et vulgaires possibles. Le troisième était allé spécialement loin en espérant mettre le prêtre en colère et pouvoir bien en rire. Mais le prêtre, qui s’était aperçu de cette mauvaise blague l’écoute et lui dit : «Je vois… Bon, comme pénitence, tu vas aller sur le parvis. Au-dessus du porche tu verras une très grande croix. Regarde-la bien, puis fais un mauvais geste dans sa direction en criant une insulte le plus fort possible. » Surpris, le jeune homme sort, hésite, regarde… Il lève les yeux vers la crois et ressent alors un bouleversement intérieur auquel il ne s’attendait pas. Il fait l’expérience d’être aimé comme jamais. Dans son cœur d’un coup, il reconnaît Jésus et lui remet sa vie. Le cardinal Martini rajoutait : « Vous-vous demandez peut-être comment je sais que cette histoire est vraie. C’est tout simple. Eh bien, cet adolescent, c’était moi ! »