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Une partie des droits de la présente interview a été rachetée par le réalisateur Nicolas Perge pour son documentaire télévisé "Sur les pas d'une icône" diffusé en 2015 sur TMC.
En ce 8 Mai 1987, Didier ( le photographe ) et moi même, devions nous rendre près de Beaubourg où nous avions rendez vous, à midi, avec Mylène Farmer. Si je regarde mon agenda de l'époque, je vois que le bar où devait avoir lieu la rencontre se trouvait près du théâtre - ai je noté - "Le Tourtour" . Le "Bistrot Beaubourg" était situé derrière Beaubourg non pas du côté de Rambuteau mais avec une ouverture sur le boulevard Sébastopol. La rencontre avait été orchestrée très rapidement ( à peine deux appels : la demande puis la confirmation me signifiant le jour, l'heure et l'endroit ) par un certain Monsieur Zorro de chez Polydor. A cette époque là, Mylène Farmer était une chanteuse à succès du Top 50. Elle offrait des galas sur bande pour 10 000 francs ( environ 1500 euros ) : la prestation comprenant 5 titres dont "Libertine" en entrée et en final.
En ce 8 Mai 1987, nous étions un peu à l'avance et je scrutais attentivement les nombreux visages déambulant sous mon nez en ce jour férié. Toujours l'angoisse - sous le coup d'une émotion savamment dissimulée pour gagner en professionnalisme - de ne pas reconnaître la personnalité en question. Certains mots bien précis de son tout nouveau 45 T ne cessaient de résonner en boucle dans ma tête : "Laissez là partir, laissez là mourir, ne le dites pas, Tristana c'est moi". Le désespoir absolu qui s'en dégageait trouvait un écho particulier en moi sans que je puisse en définir la cause... Et c'est à l'instant précis où je tournais la tête vers la rue Quincampoix que je vis celle qui n'était point encore une icône. J'appris d'ailleurs plus tard que son domicile se trouvait quasiment à deux pas de ce bar...Je revois ses lunettes noires et cet air à la fois maladivement timide et presque... contrit. Elle était accompagnée de Laurent Boutonnat et Bertrand Lepage, son manager de l'époque. Je me souviens que seuls Mylène et Bertrand Lepage s'étaient avancés vers nous, Laurent discutant avec d'autres personnes. Très rapidement, je m'étais retrouvé assis - à une table pour deux - face à face avec Mylène ( excusez du peu...). Bertrand Lepage et mon ami photographe étant assis à la table voisine. Dès le départ, avant que je ne commence l'interview, Didier ouvrit sa mallette de professionnel, sortant un appareil très luxueux et perfectionné pour l'époque. Et là, surprise, Bertrand Lepage ( paix à son âme ) se mit sans raison à hausser le ton d'une façon ridiculement agressive ( un ton normal aurait suffi ) en nous disant qu'il était impossible de faire des photos, qu'il n'était pas d'accord etc etc etc. Nous n'avions pourtant pas eu le temps de prononcer un seul mot, Didier avait juste ouvert sa mallette.... Surpris, je regardais Mylène qui ajouta d'un air un peu navré, désolé " il faut vous adresser à ma maison de disques pour avoir des photos". Je répondis juste que c'était pour la photo souvenir sans aucune velléité de publication mais le refus semblait acté...En fait, je crois bien que c'est ce magnifique appareil qui les a effrayés. Si nous étions venus avec un simple polaroïd, j'aurais aujourd'hui, un souvenir photographique de cette rencontre...
Le début de l'interview fut sans grand intérêt car mes questions étaient d'une banalité et d'un ennui mortel, ressassant ce que la chanteuse avait cent fois expliqué depuis une année ( en 1986 et 1987 Mylène n'était pas avare d'interviews). Après que la demoiselle ait commandé un coca et moi, un caco( lac), nous reprîmes la conversation. Mylène ne cessait de tripoter le décapsuleur pendant qu'elle parlait ce dernier lui échappant des doigts à un moment donné ce qui provoqua un bruit métallique dont elle s'excusa immédiatement. Fait rare dans ce métier, notre entretien terminé, Mylène m'a dit textuellement "Vous n'allez pas partir comme cela. Je vais vous présenter à Laurent Boutonnat". Rien ne l'y obligeait et cette délicate attention m'avait touché. Nous avions donc rejoint la table de Laurent qu'elle m'avait présenté. Je me souviens que le programme du reste de la journée était sujet à débats. Soudain, Mylène s'exclama d'un ton décidé "Ah non, pas encore la foire du trône !!!!".... Notre rencontre touchait à sa fin. Je me levais pour aller régler les consommations et, au retour, Mylène se trouvait devant l'entrée du café. Un monsieur corpulent était planté dans l'embrasure de la porte et je fis quelques contorsions de clown pour passer dans le peu d'espace qu'il restait. Mylène s'est mis à rire gentiment, peut être poliment...Quand nous nous sommes séparés, elle m'a dit au revoir avec un joli sourire, là aussi bienveillant.
Les décennies ont passé depuis cette rencontre...
Et trente cinq ans plus tard un tel parcours à un niveau quasi constant de succès forcent invariablement l'admiration !