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"Messages kabyles - Ur nettruẓ, ur nkennu" (On ne pliera et ne s'inclinera point)
Film-documentaire (2002) / Réalisation : Shamy Chemini / Image et montage : Nadia Dalal
Synopsis :
Printemps noir, Kabylie, 2001.
Portrait d'un artiste et d'une région en révolte contre le pouvoir d'Alger. Artiste kabyle engagé, cofondateur du groupe rock berbère Les Abranis, premier groupe algérien de musique moderne d'expression kabyle, avec lequel il sillonne l'Afrique et l'Europe pendant plus de vingt ans, exilé parisien, Shamy Chemini retourne en Kabylie après huit ans d'absence, muni de sa caméra afin de réaliser un film-documentaire en toute clandestinité en 2001, au moment où la Kabylie est à feu et à sang, dans ce qu'on appelle aujourd'hui le Printemps noir. Il nous emmène sur les traces de ses racines à travers un voyage itinérant de la Basse à la Haute-Kabylie.
Dans son village d'It-Brahim, il retrouve les siens et découvre leurs difficultés au quotidien : la cherté de la vie, un taux de chômage très élevé, l'inactivité des jeunes qui vivent sur les retraites de leurs parents. Shamy assiste à une marche silencieuse organisée par son village à l'occasion du 40e jour de deuil, comme il est de coutume, à la mémoire de son cousin Ayad Ramdhane, assassiné par les gendarmes le 17 juin 2001 au cours d'une émeute. La famille du jeune défunt témoigne d'une mort programmée par les forces de l'ordre qui attaquent, le plus souvent, les étudiants porteurs d'une conscience politique affirmée. Ce phénomène courant qu'ils appellent la "hogra" (le mépris) est source de révolte et de soulèvements populaires. Les comités de villages se mobilisent. Shamy participe aux décisions prises lors des réunions tenues dans sa région et marche aux côtés de la population. Le but est de se rendre sur Alger, situé à 300 km du village, et d'effectuer une marche pacifique afin de remettre au président de la République Abdelaziz Bouteflika la plateforme d'El-Kseur, rédigée par les aârouch (comités des villages kabyles), composée de quinze points de revendications sociales, économiques et culturelles. Les barrages mis en place par le gouvernement sur toutes les routes qui mènent à la capitale empêchent les manifestants d'atteindre leur objectif. Bloqués par les CRS, les marcheurs crient leur fureur à travers des slogans comme : "Pouvoir assassin ; Ulac ssmaḥ, ulac (Pas de pardon)"...
Cette traversée nous conduit à Aẓeffun, située en bord de côte. Shamy y rencontre le maire de cette commune, qui nous explique la difficulté de gérer, dans un pays tel que l'Algérie, aussi bien en temps de paix qu'en temps de crise. Shamy quitte son pays, convaincu du combat à mener face à la corruption quotidienne. Il a le désir profond et la volonté de se battre pour les siens afin que leurs souffrances et leurs revendications puissent être entendues, tant au niveau de la communauté kabyle exilée que de l'opinion publique étrangère.
Peu de films-documentaires en Algérie, et encore moins en Kabylie, sont réalisés sans être sous le contrôle de l'État. Ce documentaire, réalisé au cours de l'été 2001 dans la clandestinité, lui confère une grande liberté de parole. Le sujet même du film vient briser la loi du silence. Cette volonté de se faire entendre transperce l'écran ; certains ne contiennent plus leur rage. D'autres diront que la démocratie s'arrache et ne cesseront de répéter : "Vous ne pouvez pas nous tuer, car nous sommes déjà morts !" La caméra devient, à leurs yeux, une ouverture vers l'extérieur et ils s'empressent avec force de témoigner des injustices qu'ils subissent sous toutes ses formes. Avec Nadia Dalal, Shamy Chemini immortalise ces moments de la révolte kabyle.
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"De déchirure en déchirure... Déjà, un an après ma naissance, mon père est jeté en prison par les autorités françaises. Ces mêmes autorités m'ont torturé à l'âge de 13 ans durant la guerre d'Algérie. Aujourd'hui, à 58 ans, sans cesse mon pays est écartelé par des luttes fratricides. Cette terre d'Algérie est constamment arrosée par le sang. Elle demeure la convoitise des hommes d'Orient et d'Occident avec la complicité de nos dirigeants. Tous, chacun à leur manière, étouffent et tuent toute conscience qui les dérange. Nos enfants se font tuer par les gendarmes et les policiers pour le seul délit d'avoir demandé leur identité dans la dignité. Ici comme ailleurs, la sagesse et la justice sont bâillonnées. Les hommes du pouvoir, après avoir pillé les richesses du pays, poussent notre jeunesse à l'exil ou ils les assassinent. Une seule chose les préoccupe : les intérêts personnels. Avec le souci de plaire aux puissances étrangères qui les maintiennent au pouvoir. J'espère, un jour, le bon sens l'emportera et que mon pays sera débarrassé de ce pouvoir sanguinaire toujours animé de haine, d'ignorance et d'un mental d'un autre âge."
- Shamy Chemini