Une messe de Jeanne d'Arc grandiose et sublime ! Paul Paray (1886-1979), l'un des plus grands chefs d'orchestre français du XXème siècle, à la brillante carrière internationale, demeure toujours beaucoup moins connu en tant que compositeur à part entière. Paul Paray fut l'élève de Gabriel Fauré. En janvier 1924, quelques mois avant sa mort, le grand compositeur offre un portrait à son élève, qui vient d'être nommé à la tête des Concerts Lamoureux. La dédicace parle d'elle-même : « A Paul Paray, avec mes amitiés et mes vœux pour que la direction d'orchestre, où il excelle, ne lui fasse pas oublier qu'il peut et qu'il doit exceller comme compositeur. » Même s'il n'a pu se donner autant qu'il le souhaitait à la composition, Paul Paray mérite absolument d'être estimé comme il le mérite, tant ses œuvres, notamment celle-ci, présentent d'évidentes qualités, et ce, au plus haut point. La "Messe pour le cinquième centenaire de la mort de Jeanne d'Arc", créée en la cathédrale de Rouen, en mai 1931, suscita l'enthousiasme de Florent Schmitt en ces termes : « La Messe de Jeanne d'Arc est une œuvre d'une force et d'une noblesse qui la hissent d'emblée aux sommets. » En effet, par son écriture polyphonique chorale et orchestrale d'une très grande densité, mais sans jamais perdre de sa clarté ni de sa limpidité, cette œuvre manifeste des qualités de style éminemment françaises. Mais la signature originale de Paray se reconnaît dans son inspiration mélodique, d'une richesse inépuisable, se souvenant du chant grégorien, et qui se renouvelle à chacun des cinq numéros de la messe, érigeant le chant en moyen d'expression absolu. En ce sens, cette messe culmine souvent jusqu'au grandiose, autant dans ses passages recueillis ("Kyrie" ou "Benedictus"), qui font penser au "Requiem" de Fauré, que dans ceux, plus extériorisés, comme la coda du "Gloria" dont la démesure n'a rien à envier à celle du "Te Deum" de Berlioz, ou encore l'introduction éclatante et martiale du "Sanctus", aux accents proches de ceux de Poulenc ou de Honegger, auteur d'un oratorio lui aussi dédié à Jeanne d'Arc. Par delà les références à ces prestigieux prédécesseurs ou contemporains, l'originalité et l'audace propre au talent de Paray s'entendent à l'évidence dans le "Gloria" qui s'ouvre par un solo d'alto, repris par le ténor puis par la soprano, ressemblant à s'y méprendre à l'appel d'un muezzin du haut de son minaret, comme le faisait remarquer Florent Schmitt. Enfin, point d'orgue génial à cette œuvre dramatique et vigoureuse, son "Agnus Dei" conclusif : la sublime mélodie principale, qui se déroule en volutes éthérées, est confiée aux cordes, et non au chœur, lequel se retrouve en position d'accompagner l'orchestre en une audacieuse inversion des rôles, qu'avait déjà expérimentée Berlioz dans l'"Offertorium" de son "Requiem". Paray reprend ici ce procédé en le perfectionnant par une plus grande homogénéité dans la complémentarité organique des instruments et des voix, jusqu'à un plein épanouissement musical et expressif. Et la messe s'achève par cette prière aérienne, dont la souplesse et la tendresse toutes féminines évoquent suprêmement la figure de Jeanne d'Arc, offrant sur le bûcher sa jeunesse ardente à son Jésus... Et l’œuvre s'éteint avec le feu du supplice, en un long "morendo" apaisé, le chœur murmurant "pacem" ("paix"), dans un dernier souffle divin, ouvrant sur l'éternité... Il nous est donné d'écouter cette merveilleuse œuvre dans une interprétation prodigieusement convaincante grâce à l'engagement sans demi-mesure du chef d'orchestre américain James Paul, qui voue une profonde admiration à cette messe depuis longtemps, ainsi qu'il s'en explique dans le livret. De sa vigoureuse poigne, il saisit le superbe Royal Scottish National Orchestra, son magnifique et puissant chœur, et les quatre solistes, fort honorables, les faisant se donner au maximum de leur pouvoir expressif, si bien que l'on croirait assister à un concert pris sur le vif. Les émotions jaillissent du vaste ensemble réuni, et l'auditeur a droit à de savoureux frissons, tant il est souvent bouleversé. En ce sens, James Paul a peut-être réussi à faire mieux que Paul Paray lui-même, qui avait gravé sa propre oeuvre quarante ans plus tôt, en un enregistrement pourtant mémorable. De plus, le chef américain bénéficie d'une prise de son et d'un mixage d'une précision exceptionnelle qui nous permettent d'entendre tous les détails de l'orchestration somptueuse de Paray, allant même jusqu'à nous faire distinguer les différents pupitres du chœur en plein tutti orchestral ! Laissons le mot de la fin à James Paul : « Partout où j'ai eu le privilège de conduire cette Messe de Jeanne d'Arc (à Glasgow, New Orleans, Bâton Rouge, Chicago, New York, Washington DC, Mexico), elle a été merveilleusement accueillie, aussi bien par le public que par les musiciens et les choristes. Je me souviens de l'enthousiasme du clarinettiste solo du Royal Scottish Orchestra, qui est venu vers moi pour me dire, au nom de ses collègues, que l'Agnus Dei était tout simplement l'une des plus belles musiques qu'ils avaient eu l'occasion de jouer. »
@oresteia508 жыл бұрын
Many thanks for this upload of the wonderful Paray Mass.
@charlesbrown19348 жыл бұрын
I have loved this work ever since I heard M. Paray conduct it with the Detroit Symphony Orchestra back in (I think) 1958. This is an excellent recording and serves the work well.
@michaelannb8 жыл бұрын
A very lovely piece.
@slothropgr8 жыл бұрын
Very nice. Pretty good for a bunch of Plaidies, guess they remember Scotland's historic alliances with France against the English. I won't dump my Paray/Detroit reading (the 60-year-old Mercury sound holds up remarkably well), but this gets first dibsies henceforth.