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La rhéologie permet de décrire objectivement la consistance des peintures pour artistes. Encore faut-il employer les mots corrects. Voyons cela en comparant deux peintures à l'huile.
La première sort d'un tube de chez Lefranc. Elle se laisse déformer très facilement quand on la travaille avec le couteau ou la brosse. Dès qu'on l'abandonne, elle reste figée en gardant précisément la trace de l'outil. Elle présente donc un seuil d'écoulement.
Quand on lui applique une force de déformation qui est plus faible que ce seuil, elle se comporte comme un solide : aucune déformation. Par exemple la gravité terrestre est en dessous du seuil, ce qui fait que des empâtements réalisés sur un tableau avec cette peinture ne dégoulineront pas.
Quand on lui applique une force supérieure au seuil d'écoulement, elle se laisse déformer facilement. C'est le cas lorsque je la travaille avec un couteau à palette.
Sa viscosité n'est donc pas constante : élevée lorsqu'on la soumet à de faibles cisaillements, ce qui l'empêche de dégouliner, mais faible lorsque le cisaillement augmente, ce qui me permet de l'étaler sur la toile. On dira qu'elle est rhéofluidifiante. C'est un fluide plastique à seuil d'écoulement.
Pour les peintres, c'est une pâte "courte".
Ce comportement rhéologique est apprécié par la plupart des clients. Appliquée sur une toile, cette pâte garde bien nettes les stries laissées par les brosses. Le fabricant obtient ce profil rhéologique en sélectionnant des pigments et des charges adaptés, mais aussi en ajoutant à la peinture des additifs qui facilitent sa conservation homogène en tube et qui changent sa consistance ( stéarate d'aluminium, huile de ricin hydrogénée, cire...)
À titre d'exemple, l'argile humide, la pâte à modeler, la mayonnaise sont aussi des pâtes plastiques à seuil d'écoulement.
La deuxième peinture est une hématite naturelle transformée en pigment puis broyée à l'huile de lin. Elle ne contient strictement aucun additif.
Quand on la pousse avec le couteau à palette, elle reste un peu épaisse pendant une fraction de seconde, puis elle se laisse faire. Elle est donc rhéofluidifiante aussi, mais avec un léger retard. Ensuite lorsqu'on retire le couteau et qu'on la laisse sans y toucher, elle continue à couler pendant environ une seconde, puis elle s'immobilise. Les empâtements obtenus sont donc moins nets. Les stries des brosses se voient moins.
Cette rhéofluidification retardée, avec une récupération différée elle aussi de la viscosité initiale est précisément ce qu'on appelle la thixotropie.
Beaucoup de peintures en bâtiment sont thixotropes. Leur thixotropie est calculée lors de la formulation pour que cela les rende faciles à appliquer, avec des irrégularités de surface qui se lissent en une seconde ou deux. Ensuite, la viscosité revient à son niveau initial, ce qui évite les coulures.
La deuxième peinture ressemble à celles avec lesquelles travaillaient les artistes avant la révolution industrielle, lorsque les peintures étaient broyées dans les ateliers au fur et à mesure des besoins.