Sergiu Celibidache explique sa philosophie de la musique (entretien en français)

Voici, aussi, un extrait de "La musique n’est rien", textes et entretiens pour une phénoménologie de la musique par Sergiu Celibidache, Actes Sud :
C’est par la musique que, d’une certaine façon, je suis venu au yoga, et non l’inverse. Mais ensuite, lorsque j’ai vu que la musique ne peut pas être un jeu de sensations, que jamais de la vie elle ne saurait être cela, je me suis rendu compte que rien de ce qui est dans la musique ne peut être réalisé par la volonté propre, par l’ego. Et ainsi, la musique est pour moi, lorsque les conditions matérielles brutes me le permettent, une méditation. C’est-à-dire que je ne pense pas du tout que je dois maintenant faire ceci ou cela, mais tout a lieu. Et ce n’est pas moi qui fais la musique, mais je crée les conditions pour qu’elle puisse surgir. Ce n’est pas nous qui la faisons. Nous créons les conditions pour que Dieu, qui est vérité et beauté, se manifeste à nous. Mais nous n’y réussissons pas toujours.
Pendant huit ans, j’ai fait de la musique d’une façon tout à fait insensée, c’est-à-dire sans faire de la musique. J’ai transmis des sensations et des impressions. Le monde, cette Maya, est infini, et j’ai produit des illusions et des déceptions, avec du son naturellement. Jusqu’à ce que je me sois rendu compte : mon Dieu, ça ne peut pas être cela. Un jour, j’ai rencontré un homme qui était passé par l’école du yoga, et il m’a dit : tout ce que vous faites est faux. - Et j’ai suivi cet homme. Et je n’ai pas fait une carrière mondiale, comme me l’ont proposé les Américains. Ils cherchaient un successeur pour Toscanini. Pour un homme de trente-cinq ans, c’est intéressant, mais je n’ai pas pris le chemin de l’argent. L’homme instruit en matière de yoga me montra que ce ne sont pas les notes, qui ne sont que le matériau brut, qui constituent le morceau. À présent nous savons qu’il y a une autre discipline, intérieure. L’intérieur est le kurukshetra, le champ de notre combat permanent. C’est le combat qui a été décrit dans la Bhagavad-gîtâ. Ce combat [1] n’a pas eu lieu voici cinq mille ans avec Krishna ; il a lieu chaque jour.
C’est ainsi que j’ai continué à devenir attentif à ce qui, dans la musique, n’est pas si matériellement brut. Et cela m’a beaucoup aidé de me séparer du son et de parvenir à la transcendance du son. Car le yoga est transcendance, et la musique est transcendance. Le yoga [non plus] n’est pas matériellement brut.
Pourquoi recommandez-vous à vos élèves des pratiques de yoga ?
-- Je ne fais pas cela à la légère, car je suis convaincu que, dans l’état d’esprit qui nous caractérise actuellement, on ne peut venir à bout du yoga tout seul. Je suis également convaincu qu’il y a très peu de maîtres capables d’introduire [à cette pratique]. Les écoles de yoga que je connais, je les récuse. Sans avoir le sentiment de faire mieux ou de savoir mieux. À coup sûr, je ne saurais faire mieux moi-même. Je dis aussi à chacun de bien réfléchir avant de commencer - la décision est-elle prise en votre propre âme et conscience ou pour d’autres ? Dans cette vie, j’ai atteint le nishkâma karma, c’est-à-dire : l’action dépourvue de désir. Je ne veux pas donner un concert fantastique, mais je fais des efforts fantastiques pour que ce concert nous rende nos forces spirituelles. Peu importe que cela soit bon ou mauvais. Je n’attends pas que les gens applaudissent ou qu’ils disent : vous êtes le plus grand de tous, ou : vous êtes le plus grand des idiots. Cela ne m’intéresse pratiquement pas. C’est là une différence par rapport à jadis, jadis je me sentais fort maltraité par les gens qui n’avaient absolument rien compris. Comme aujourd’hui, ils ne comprennent pas. Mais le plus admirable est le fait du public qui n’a aucune formation du tout, pas comme les gens qui, parce qu’ils connaissent deux sonates et demie de piano, s’imaginent qu’ils peuvent aussi comprendre nos conditions.
Ce qui est si grandiose dans un phrasé, c’est d’abord que cette phrase, si elle est réussie, si le phrasé est effectivement complet, est à l’unisson de toutes les disciplines universelles et humaines possibles. C’est un rapport de proportions (beaucoup-moins, aigu-grave, clair-obscur, rapide-lent), c’est quelque chose qui fait vibrer l’homme dans son intégralité. Si vous y parvenez, par les correspondances entre le son et le monde affectif, tous les chakras (centres énergétiques) s’ouvrent, ils sont verticaux, et tout ce qui constitue en général ce cosmos et sa force vitale coule à travers eux.
Notes
[1] Il s’agit d’un combat intérieur. Arjuna, le héros de la Bhagavad-gîtâ, commande une armée qui doit livrer bataille contre une armée dans laquelle il a reconnu des membres de sa famille et des amis ; il est en proie au doute quant au sens de son devoir et, dans son désarroi, s’adresse à Krishna.

[@michelloockx9227]

Il ne faut pas s'étonner du génie de ce chef d'orchestre. Quel homme, quel esprit. Quel exemple ! Admiration.

[@fabricemori2136]

Un coordinateur qui justifie sa tâche automatique, comme grande, mais sans création; bravo l'artiste.

[@elianeluty2065]

Fascinant, j'ai bu chaque paroles du mieux que j'ai pu et j'en veux encore pour tout comprendre, tout sentir... merci beaucoup il me faudra revenir

[@nicolaeghita9155]

Génie! Celibidache était en harmonie permanente avec la musique cosmique.

[@DIBILAROKETSOSSA]

tout simplement incroyable merci

[@mrciucri]

Mais quel esprit!!! Éblouissant!

[@PhilippeBrun-qy3st]

Fascinant...Merci à vous.

[@hubertapap2849]

Cet homme , ce frère est un Maitre . Ecoutons le et depassons le . C est le propre de la vie . "Ah ! au fait ........la musique de la musique c 'est le AUM " . Merci a vous Monsieur Celibidache et longue vie a votre enseignement . Namaste

[@stephane_edouard]

11:05 purement excellent

[@fredyork3569]

Surpris de te retrouver ici ! Je vois que tu apprécies la musique, ça fait plaisir ! ;)

[@gabrielkaz5250]

Ça, pour une bonne surprise !

[@francoismagne5863]

Spike et Celibidache sur la même page... Improbable convergence de deux "éveilleurs" que tout semble séparer! Mais à bien y regarder, l'art de la séduction conduit à la réflexion sur l'accomplissement de soi, et tôt ou tard fait croiser le genre de questions débattues dans cet interview.

[@makjohnny9493]

Ah oui, les enfoncements de porte ouverte. Pas étonnant de te voir apprécier ce genre de lapalissade. Le plus grand intérêt de cette interview se trouve ailleurs, dans une dimension totalement absente de ton travail mu par la seule volonté cartésienne.

[@pianistegolfeur]

Formidable !!! On reste étonné de ses explications, face à sa personnalité quant on le voit en répétition, a fortiori au concert. Malheureusement, traduction littérale épouvantable.

[@francoisemendousse-pineau6404]

Extraordinaire!quel homme!

[@tinnirel]

OUAH ! Merci ! Incroyable !!!

[@trueandika]

FASCINANT !

[@VallaMusic]

SC says and sees truly the nature of creativity, art & life.

[@Gustavo-kn9nf]

Comme le disait Chucalescu, le propre maître et mentor de Celibidache, il faut diriger sans diriger, dans un tempo sans tempo.

[@eudesdelafon2453]

Ecouter le maestro parler en français est passionnant : son vocabulaire, ses intonations. Le grand chef parlait roumain, bien sûr (j''ai vu une vidéo lors de son retour à Bucarest , retrouvant de vieux instrumentistes qui sont francs avec lui); Celi parlait évidemment l'allemand, étant arrivé à 18 ans à Berlin et y résidant pendant toute la période nazie, avant d'être nommé à la tête du philarmonique, en l'absence de Furt; Je l'ai écouté parlant l'italien, lors de master classes et, bien sûr, l'anglais lors de rehearsals avec des solistes américaines. Cependant, son utilisation de la langue française est complexe, voire confuse. Les sous-titres in English aident. Cette vidéo confirme son rapport agressif avec les médias, les journalistes ("des ânes") . Eve Ruggieri en fait les frais: dès le début, il lui coupe la parole et se lance dans ses théories phénoménologistes afin de l'étouffer par cette approche philosophique. Vers la vingtième minutes, le Maître se détend, il sourit, car Eve écoute sans l'interrompre. Céli utilise alors une syntaxe en français moins épaisse et bavarde avec des évidences sur la perception musicale. Or Céli avait une oreille d''une finesse incroyable pour équilibrer et prioriser les différents pupitres. Il fut un innovateur de la musique, osant étirer Bruckner dans une contemplation sublime et ennuyeuse. Mais, aussi, un formidable acteur, parfois d''une totale mauvaise foi, manipulateur, charmeur, et finalement un guide spirituel, père affectueux de ses admirateurs: une légende qui ne fait que croître !

[@JoelLeBras]

L'ennui qui peut naître de Bruckner dirigé par Celibidache est purement subjectif. Il faut que chacun qui le ressent en recherche l'origine en soi et non dans ce qu'il entend.

[@baladins07]

J’ai eu l’immense chance de pouvoir assister à ses cours à Mainz, de toutes les répétitions à Stuttgart et Munich pendant 8 années. Il y a peu, j’avais critiqué un chef de l’orchestre de Strasbourg, que c’était un gesticulateur. Deux réponses à ce commentaire, un écrivait, c’est être que vouloir être…..donc je ne cherche pas, je me contente de rester dans mon petit monde. L’autre commentaire, que mes propos étaient insultants. Je leurs ai conseillé de s’informer.

[@dormansroland8580]

20:09 Error of translation : Not "They are mere words" but "it's just a lot of "No" (in french : "Ce sont des "non". Opposite of "yes"). Tout l'interview en une seule phrase à 19:26 : "Ce n'était pas beau, c'était vrai."

[@christianhumbert9102]

Sergiu Celebidache est plus qu'un chef d'orchestre, il est en relation intime avec l'univers dont il ressent les vibrations au plus profond de son être C'est pour cela qu'il a toujours refusé que la musique, être vivant puisse être mise en boite figée à un instant précis. Cela n'a pas de sens. Il n'a rien enregistré mais sa famille après sa disparition a accepté que les enregistrements existants puissent être publié.Les concerts radiodiffusés, télévisés passent nécessairement pas un enregistrement sur bande. Son concert pour la RAI le 28 Mars 1958 de la neuvième symphonie de Beethoven est une merveille. Orchestra Sinfonica E Coro Di Torino Della RAI Chorus Master Ruggero Maghini Historical performances ARKADIA 1994 CD 68'33" Live recording TORINO

[@pilou09100]

J’admire ce génie de la direction d’orchestre mais je lui en veux qu’on air perdu tant de chef d’oeuvres sous sa baguette. Son perfectionnisme nous a coûté beaucoup de joies.

[@achdjianfinearts]

qu'avez vous perdu la photo d'un tableau de Leonard de Vinci ? réecouter ce que dit Sergiu Celibidache .. ce que vous ecouter sur youtube ou sur un disque ce ne sont que des petites cartes postales

[@BenSadounJeremie]

Complexe mais très intéressant

[@mistibiche1291]

Quelqu'un aurait les sources de l'interview s'il vous plait ?

[@aarebi6120]

Je ne savais pas que Celibidache s'intéressait à la théorie des cordes! 😉15:29

[@jamesvanderhoorn1117]

The Johan Cruyff of conductors?

[@patrice4081]

Eve Ruggieri semble subjuguée.

[@julia-hj8rb]

Encantador de serpientes! Pero no creo todo lo que dices, solo parte.

[@tinnirel]

Eve Ruggieri, la pauvre ! 11.3.21

[@achdjianfinearts]

looolll je la voyais souvent à Drouot et dans le café dit le Beaujolais, mais qui aujourd'hui n'est que l'ombre de lui meme .. effectivement, elle est sexy et charmante, pour autant je partage avec vous l'adjectif la pauvre .. elle n'est pas à la hauteur mais très peu le sont .. et en général ces autres 'ont pas une aussi belle paire de seins ....

[@julia-hj8rb]

Celi, tu crees en lo que dices?

[@retf054ewte3]

Celibidache, sleepy conductor. the most boring conductor