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- L’histoire d’une chanson -
Diahowo (Jahoowo) de Baaba Maal ou la lettre chantée de la jeune fille amoureuse
Le morceau « Diahowo » de l’album « Baayo » sorti en 1991 est l’un des chefs-d’œuvre de Baaba Maal. Il est le quatrième titre de l’opus « Baayo » produit par la maison de disques anglaise Island Records en l’occurrence le légendaire Chris Blackwell.
Cette chanson est l’une des plus belles, lyriques et expressives de Baaba Maal. C’est un chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre.
Ainsi cette chanson fait partie du riche répertoire traditionnel du Fouta-Tooro (la région du nord du Sénégal et du sud de la Mauritanie). En fait l’histoire de cette chanson remonte au temps de la seconde guerre mondiale au moment où la France recrutait, plus ou moins volontairement, des soldats en Afrique sub-saharienne pour ses troupes d’infanterie coloniale prêtes à partir au front pour se battre contre les armées ennemies. On les surnommait « Les tirailleurs sénégalais ». Ainsi le fiancé de la compositrice de « Diahowo » était enrôlé comme tirailleur sénégalais et était parti pour le front, bien loin de sa bien-aimée. Ressentant une forte nostalgie pour son fiancé et tout en assistant à chaque fois à l’embarquement de nouveaux tirailleurs qui devaient rejoindre les fronts européens, la jeune fille eu l’inspiration d’envoyer à son fiancé une lettre afin de lui exprimer l’amour et la tendresse qu’elle porte pour lui. Et cette lettre, elle ne va pas l’écrire mais plutôt la chanter en entonnant « é hé diahowo » qui veut dire littéralement « toi qui t’en vas » pour ainsi dire qu’elle remet sa lettre destinée à l’être chéri à tous les tirailleurs qui sont en train d’embarquer. Et là où réside la beauté de cette lettre chantée qui est avant tout une ode à l’amour, c’est que la jeune fille va parallèlement à travers la lettre, faire part à son fiancé de toute l’actualité de leur contrée en son absence en utilisant les figures de style et les tournures qu’il faut pour parfaire sa lettre. Cette lettre chantée qui est déjà un chef-d’œuvre, va devenir par la suite un standard de la musique traditionnelle Haalpulaar (peul).
Pour rendre à César ce qui appartient à César, il faut reconnaitre que cette chanson a été modernisée et popularisée par Baaba Maal qui l’a toujours jouée à ses débuts d’une manière traditionnelle (guitare + Hoddu) avant de la revisiter et de l’inclure en 1991 dans l’album « Baayo » sous sa forme originelle modernisée, c’est-à-dire en a cappella avec les bruits et sons de la nature.
Dommage que le grand public de Baaba Maal, de Podor à New York en passant par Paris et Londres, dans sa majorité ne parle pas Pulaar (Peul). Et donc n'accède pas au message, au lyrisme, à l’expressivité et à la sublimité de « Diahowo » qui est un chef-d’œuvre. C’est pourquoi vous trouverez ci-dessous, en Pulaar (Peul) et la traduction en français de trois extraits du texte que j’adore et que je trouve très intéressants.
« E hey jahoowo,
So a woodii yahde, kam e yettoyaade,
Mbeɗe salmina njool am ɓaleejo, mo jom baka rommbal,
Traduction:
Toi qui t’en vas,
Si tu parviens à atteindre ta destination,
Passe le bonjour à mon homme, svelte et noir, au boubou bleu. »
« Sinno debbo ina maaja,
Ina jola e laana,
Ina muta e lugge,
Ina yaɓɓa e leydi,
Ina werloo kaaƴe,
Maa debbo lomto njool mum ɓaleejo, mo jom baka rommbal,
Traduction:
Si c’était permis pour la femme de marcher au pas,
De voyager à travers les navires
De plonger dans les eaux profondes des mers
D’arpenter le sable
De lancer des cailloux
La femme se substituerait à son homme, svelte et noir, au boubou bleu.
(Interprétation: Dans cet extrait, la jeune fille dit, en résumé, que si c’était permis à une femme d’aller au front que ce serait elle -même qui prendrait la place de son fiancé. Juste pour lui faire savoir qu’elle est prête à sacrifier sa vie pour lui) »
« Mbeɗe haɓa e bonɗo,
Bonɗo, ɓii bonɗo,
Ɓii nagge mbonnge,
O, ɓii ngaari mbonndi,
Omo doga, omo diira,
Omo ŋeefa leydi,
Omo feroo kaaƴe,
Omo hela leɗɗe,
Hoto taƴam cakka, hoto seekam wutte,
Hoto helam junngo, hoto ɓoƴƴam ƴoole,
Aan-a-wonaa njool-am ɓaleejo, jom baka rommbal.
Traduction:
Je me bats toujours contre ce vagabond,
Vagabond, fils de rôdeur,
Fils d’une vache maudite,
Fils d’un taureau satané,
Il accourt, il tressaille,
Il gratte la terre,
Il tamponne les roches,
Il déterre les arbres,
Ne me casse pas le collier, ne me déchire pas le vêtement,
Ne me brise pas le bras, ne me touche pas les seins,
Car tu n’es pas mon homme, svelte et noir, au boubou bleu.
(Interprétation: Elle fait part,ici,à son fiancé des avances et des propositions qu’elle subit de la part des jeunes du village et surtout des coureurs de jupons qu’elle qualifie de personnes malveillantes, qui veulent tous sortir avec elle. Ainsi elle lui fait savoir que l’amour qu’elle porte pour lui est immuable et inébranlable.) »
Mamadou Seck
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