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Les Nouveaux chemins de la connaissance
Émission diffusée sur France Culture le 21.06.2017.
Par Adèle Van Reeth, Olivier Bétard et Nicolas Berger.
Intervenant :
David Lapoujade. Maître de conférences à l’université Paris I -
Panthéon-Sorbonne
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David Lapoujade nous guide sur la voie de l'intuition philosophique aujourd'hui.
"L'intuition est l'art acrobatique de penser les choses au plus près" : c'est ainsi que Jankélévitch résume l'intuition chez Bergson. Comment saisir cette intuition qu'a essayé de formuler le philosophe et qui est "quelque chose de simple, d'infiniment simple, de si extraordinairement simple que le philosophe n'a jamais réussi à le dire" ?
Le texte du jour :
« A mesure que nous cherchons davantage à nous installer dans la pensée du philosophe au lieu d'en faire le tour, nous voyons sa doctrine se transfigurer. D'abord la complication diminue. Puis les parties entrent les unes dans les autres. Enfin tout se ramasse en un point unique, dont nous sentons qu'on pourrait se rapprocher de plus en plus quoiqu'il faille désespérer d'y atteindre.
En ce point est quelque chose de simple, d'infiniment simple, de si extraordinairement simple que le philosophe n'a jamais réussi à le dire. Et c'est pourquoi il a parlé toute sa vie. Il ne pouvait formuler ce qu'il avait dans l'esprit sans se sentir obligé de corriger sa formule, puis de corriger sa correction - ainsi, de théorie en théorie, se rectifiant alors qu'il croyait se compléter, il n'a fait autre chose, par une complication qui appelait la complication et par des développements juxtaposés à des développements, que rendre avec une approximation croissante la simplicité de son intuition originelle. Toute la complexité de sa doctrine, qui irait à l'infini, n'est donc que l'incommensurabilité entre son intuition simple et les moyens dont il disposait pour l’exprimer.
Quelle est cette intuition ? Si le philosophe n'a pas pu en donner la for¬mule, ce n'est pas nous qui y réussirons. Mais ce que nous arriverons à ressaisir et à fixer, c'est une certaine image intermédiaire entre la simplicité de l'intuition concrète et la complexité des abstractions qui la traduisent, image fuyante et évanouissante, qui hante, inaperçue peut-être, l'esprit du philoso¬phe, qui le suit comme son ombre à travers les tours et détours de sa pensée, et qui, si elle n'est pas l'intuition même, s'en rapproche beaucoup plus que l'expression conceptuelle, nécessairement symbolique, à laquelle l'intuition doit recourir pour fournir des "explications". »
Henri Bergson, La Pensée et le mouvant, 1934, « L’Intuition philosophique », 1911, PUF, 2013, p.119-120
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Lecture :
Henri Bergson, La Pensée et le mouvant, 1934, « L’Intuition philosophique », 1911, PUF, 2013, p.138-139
Extraits :
Archive Merleau-Ponty : le style de Bergson (source : Henri Bergson, 19/10/1959, RTF)
Archive Jankelevitch : ce qu’est l’intuition (source : Analyse spectrale de l’Occident, 13/05/1967)
Archive Sartre : sa vocation de philosophe vient de Bergson (source : diffusé le 21/04/1980, quelques jours après la mort de Sartre, TF1)
Références musicales :
Pink Martini, Sympathique
Bill Evans, Here's that rainy day
Bugge Wesseltoft, Road home
Keith Jarrett, Rio part IX
Bill Fleming, Vim vigor and vitality
Bibliographie :
David Lapoujade, Les existences moindres, Minuit, 2017.
David Lapoujade, Puissance du temps : versions de Bergson, Minuit, 2010.