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Réalisation : © Sandrine Treuillard, 2006
22' - Mini-dv - Coul. - Nov. 2006
1er volet/5 de l'ensemble "Pour en finir avec Jehanne d'Arc"
Jehanne 2006 : Les réponses de Jehanne d'Arc à son procès *… sur une séquence d'un filet d'eau qui se métamorphose dans la lumière jusqu'à son martyre…
Détails sur le blog : santreuil.blogs...
Extraits du procès de Jeanne d’Arc choisis & lus par Sandrine Treuillard tirés de "J’ai nom Jeanne la Pucelle" de Régine Pernoud, Découvertes Gallimard, 1994
" Ses paroles. Son ordalie.
La Sourdaie est le nom du coin de terre que mon père, Sylvain, a acquis. Le demi hectare traversé de sources se jette doucement et sans tarir dans l’étang sauvage, plus bas.
J’ai filmé durant 31 minutes un filet de l’eau sur les cailloux. Quelques mètres carrés se sont réduits en centimètres carrés : macro-paysage. Ai introduit le micro sous les ronces, dans quelques fossés… Encore marché dans les broussailles. Terrain subtil. Les eaux frôlent la surface de cette terre.
Longue macro-vidéographie, la lumière irradie les eaux par fulgurance. La quête d’on ne sait quoi est errance. L’errance mène à la découverte. Des pépites. Les cailloux donnent forme au cours d’eau. Le vent en accélère sa course perpétuelle. La petite noisette échue fait obstacle.
La fatigue du poignet annonce la fin du filmage. Filmer ces éléments devient une ordalie contemplative, une épreuve de résistance pour sentir jusqu’au bout sa force. La force se consume à mesure qu’elle s’exerce. Les tremblements provoquent d’autres radiations, bleues, avec l’incidence optique. L’angle des rayons solaires colorent la lumière sur l’eau : nature d’un alliage métallique. Du jaune d’argent aux oxydes de manganèse. Quelque chose brûle l’eau et l’image.
Sur les trois plans séquence (le principal durant plus de 15 minutes), la voix alto dit "je". "Je" suis Jehanne répondant à ses interrogatoires, au procès et en prison. Aucune question des Cauchon ni Beaurepère ne sont perçues. Jehanne affirme, grave. Le montage de ses paroles : ses voix lui ordonnent ; l’habit d’homme ; le sort des anglais ; son erreur d’avoir signé l’abjuration. Musicalité des eaux, rythme des pas dans les cailloux, les marécages…
Je lis la Sourdaie imprimant lumière & sons sur la cassette digitale. J’enregistre une partie où mon père se retranche. Son refuge. Il se réfugie dans la parole de la Sourdaie (percevoir comme paroles : reflets, bruissements d’eaux, vent dans les feuillages, brindilles cassant sous les pas, criaillement des cailloux : tous éléments mobiles, changeants). En ma présence Sylvain se retranche derrière le vacarme de la débroussailleuse qu’il pousse tandis que j’écoute l’intime Sourdaie.
Sylvain me laisse faire cela. Il m’y invite même, tacitement. Ce lieu comme l’aveu déguisé qu’il me fait partager.
Je filme, je tire le fil de l’image : j’écris. Je lis. Il pousse : il se tait, se terre dans le vacarme. Quelque chose sourd.
Jehanne se recueille, se ressource ; ses paroles coulent de cette source, avec la même évidence naturelle, le même mystère. Tout autant ses paroles alimentent la source. L’eau plus qu’un pendant à ses paroles : Jehanne est la source. Les eaux vont jusqu’à brûler par elles-mêmes.
Jehanne coule à sa perte, de source. "
Sandrine Treuillard